Connaissez-vous la véritable histoire des pigments dans la peinture ?
Autrefois appelĂ© âcouleursâ comme dans lâexpression ‘marchand de couleurs’, la plupart des pigments utilisĂ©s dans nos peintures sont aujourd’hui synthĂ©tiques.
Mais savez-vous d’oĂč proviennent les couleurs originelles de nos palettes d’artistes ? Comment les pigments ont-ils Ă©voluĂ©s au cours des siĂšcles ?
La réponse dans cet article complet !
Terres naturelles et Art Pariétal
âȘïž L’histoire des pigments dans la peinture remonte Ă l’aube de l’humanitĂ©.
En effet, lâusage des pigments par nos ancĂȘtres date de plus de 30 000 ans !
Les pigments inaugurent l’un des premiers courant de lâhistoire de lâart : Lâart PariĂ©tal encore visible sur les parois des grottes du monde entier (comme les grottes de Gargas, Lascaux, Chauvet, Altamira, etc.).
Pour crĂ©er, les artistes de l’Ă©poque utilisait des terres naturelles (ocres, craies), du charbon de bois ou des os calcinĂ©s qu’ils rĂ©cupĂ©raient dans leur environnement.
â Le rouge provient principalement d’un oxyde de fer appelĂ© hĂ©matite qu’on trouve Ă l’Ă©tat naturel dans le sol.
â Le noir est issu du charbon de bois ou d’os, du charbon minĂ©ral ou bien de l’oxyde de manganĂšse.
â Ces pigments Ă©taient mĂ©langĂ©s avec un matĂ©riau incolore, (la charge), pour donner une certaine consistance, faciliter l’Ă©talement sur la paroi et amĂ©liorer la conservation.
Cette charge Ă©tait de l’argile, du talc ou des feldspaths.
â Un liant Ă base de graisse ou d’eau Ă©tait gĂ©nĂ©ralement nĂ©cessaire pour amĂ©liorer la qualitĂ© du mĂ©lange.
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Histoire des pigments : Les roches minĂ©rales de l’Age de Bronze
âȘïž Lâinvention dâoutils en fer durant l’Age de Bronze (-1500 Ă -1000 avant JC) permis de broyer et rĂ©duire plus facilement certaines roches minĂ©rales en pigment.
SâajoutĂšrent ainsi au nuancier des artistes : du rouge foncĂ© (cinabre), du rouge-orange brillant (rĂ©algar), un jaune brillant (orpiment), un bleu foncĂ© (lapis-lazuli), un bleu pĂąle (azurite) et un vert (malachite).
L’AntiquitĂ© et l’usage du pigment
Le Bleu Ăgyptien
âȘïž Les Ăgyptiens connaissaient Ă©galement les pigments issus de certaines pierres dures broyĂ©es et fabriquaient leur fameux Bleu Ăgyptien.
Ils utilisaient en tout 7 couleurs.
En plus de la poudre de lapis-lazuli qui donne un bleu profond, les Ăgyptiens se servaient d’un colorant bleu dont le secret de fabrication Ă©tait transmis de bouche Ă oreille, le bleu Ă©gyptien.
â Ce colorant correspond Ă la cuisson dans des fours de potier, pendant plusieurs heures, de mĂ©langes de silice, de produits calcaires, de cuivre et d’un fondant, Ă l’Ă©poque, le natron (sesquicarbonate de sodium naturel).
âïž C’est sans doute le premier colorant synthĂ©tique fabriquĂ© par l’homme, il y a environ 4500 ans.
â Il s’agit d’un silicate double de calcium et de cuivre.
En fonction du chauffage, l’intensitĂ© des bleus est variable, s’Ă©tendant du bleu pĂąle au bleu le plus sombre.
Le pigment est ensuite broyé et était étendu sur les sarcophages ou les murs.
L’intensitĂ© du broyage va aboutir Ă des tons diffĂ©rents de bleus, et les artistes Ă©gyptiens l’ont bien compris et utilisĂ©.
Ils ont parfois joué avec les différentes tailles des particules de broyage, pour donner des aspects différents.
â Le vert Ă©gyptien Ă©tait fabriquĂ© comme le bleu Ă©gyptien, mais en changeant les proportions des composants, avec un appauvrissement en cuivre et un enrichissement en sodium.
Le pigment obtenu est un mĂ©lange de restes cristallisĂ©s siliceux (quartz, tridymite ou cristobalite), de parawollastonite et d’une phase amorphe majoritaire qui confĂšre la couleur au pigment.
Phéniciens, Grecs et Romains
âȘïž Les PhĂ©niciens et les Grecs inventĂšrent le blanc de cĂ©ruse, le rouge de Saturne ou minium et le jaune qui Ă©tait un oxyde de plomb.
âȘïž On doit aux Romains le pigment pourpre obtenu Ă partir des Murex (escargots marins).
(Il fallait plus de 250.000 murex brandaris et murex trunculus pour extraire une quinzaine de grammes de teinture. Tout juste de quoi colorer une toge⊠! )
â Cette couleur est si prĂ©cieuse qu’elle est dĂ©clarĂ©e « Color Officialis » et qu’elle correspond alors au pouvoir.
L’empereur NĂ©ron ordonne la peine de mort et la confiscation des biens pour celui qui porterait ou mĂȘme achĂšterait de la pourpre impĂ©riale.
Des hĂ©ritiers de l’empire porteront le surnom de porphyrogĂ©nĂšte (nĂ© dans la pourpre).
La chute de Byzance en 1453 marque de maniĂšre symbolique la fin du Moyen-Age et la fin de la pourpre.
âȘïž Ătrusques, Grecs et Romains connaissaient Ă©galement le sĂ©pia, extrait de la poche des seiches.
Les pigments dans la peinture du Moyen-Age
L’histoire des pigments dans la peinture continue.
âȘïž Les peintres qui brillaient du Moyen-Age au XVIIĂšme siĂšcle n’utilisaient que des pigments naturels pour leurs tableaux, et peu de ces couleurs tenaient Ă la lumiĂšre.
Certaines purent tout de mĂȘme ĂȘtre utilisĂ©es. C’est ainsi qu’on a vu apparaĂźtre de magnifiques icĂŽnes qu’on peut encore admirer dans tout le monde orthodoxe.
Il faut pĂ©nĂ©trer dans la basilique Saint-Marc Ă Venise pour percevoir l’Ă©blouissement procurĂ© par les mosaĂŻques des coupoles.
L’or des murs se projette sur les visiteurs. De nombreuses icĂŽnes dĂ©corent l’intĂ©rieur, souvent amenĂ©es de Constantinople avec le butin de la IVá” croisade (1204).
â Cette Ă©poque de la chevalerie a dĂ©couvert l’azur et l’or qui fut associĂ© aux couleurs chrĂ©tiennes.
Ces deux couleurs correspondent alors au commandement et la dignitĂ© d’un rang Ă©levĂ© de celui qui les porte.
â Ainsi la couleur bleue est rĂ©habilitĂ©e et va reprĂ©senter le royaume de Dieu. Ce sera l’heure de gloire du pastel.
Le pastel bleu est une coloration issue d’une plante (isatis tinctoria) qui a fait la fortune de bien des personnes.
La région de Toulouse était trÚs célÚbre pour cette production (Lauragais & Albigeois), et bien des hÎtels particuliers de la ville doivent leur existence au pastel.
Mais le cycle de préparation du pastel est trÚs long, (plus de deux ans environ) et sa préparation est complexe.
Les feuilles ne contiennent qu’un prĂ©curseur du colorant.
Les Couleurs Ă la Renaissance
âȘïž Vers l’Ă©poque de la Renaissance, les pigments minĂ©raux comme les terres vertes, ou organiques comme le jaune Indien (venu des Indes vers l’Europe par le canal des Perses), le vert-de-gris, le bitume (brun), l’or et l’argent, complĂštent la palette des anciens.
â Les artistes maitrisant de mieux en mieux la chimie des couleurs broient dans les ateliers, des carbonates, de l’hĂ©matite, du minium pour rĂ©aliser des rouges, des terres ocre jaune, de la limonite, du sulfure d’arsenic.
â La peinture Ă l’huile fait peu Ă peu son apparition.
Gravure de lâAtelier de Van Eyck, dĂ©tail, atelier de Philips Galle dâaprĂšs Jan van der Straet, c. 1593 â c. 1598
âȘïž La peinture souhaite se dĂ©tacher de l’artisanat et commence Ă suivre certaines rĂšgles.
Comme l’Ă©crivait Du Fresnoy en 1673 dans son livre « Art de peinture » :
« Il faut distinguer la couleur qui consiste Ă appliquer des teintes comme le font les teinturiers et le coloris qui est l’intelligence des couleurs. «Â
« Les peintres qui ne sont pas coloristes font de l’enluminure et non de la peinture » Ă©crivait Delacroix.
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Histoire des pigments dans la peinture : L’Ă©poque Moderne et la chimie
Le Pigment Minéral
âȘïž L’Ăšre du pigment minĂ©ral (pigment dont la molĂ©cule est constituĂ©e par un oxyde mĂ©tallique ou un set mĂ©tallique d’un acide minĂ©ral) commence au XVIIá” siĂšcle avec les Allemands Dieppel et Diesbach qui inventĂšrent en 1704 le bleu de Prusse.
â Vers 1740 apparait le jaune de Naples (antimoine de plomb) et en 1778, Sheelle crĂ©e le cĂ©lĂšbre vert empoisonĂ© de Sheelle (arsĂ©niate de cuivre).
Perkin et la Mauvéine
âȘïž En 1856, un jeune chimiste, William Henry Perkin (1838-1907) essaye de synthĂ©tiser la quinine pour combattre le paludisme qui touche les troupes anglaises stationnĂ©es en Inde.
Ces essais l’amene Ă oxyder un dĂ©rivĂ© de l’aniline, l’allyltoluidine.
Il obtient alors un prĂ©cipitĂ© rouge-brun qui n’a rien Ă voir avec la quinine, mais Ă©veille la curiositĂ© du chimiste.
Perkin vient de dĂ©couvrir un colorant de bonne qualitĂ© pour les textiles, qu’il appelle pourpre d’aniline ou mauvĂ©ine.
â Sans le savoir, Perkin vient d’inventer le premier colorant synthĂ©tique utilisable par l’industrie !!
â La reine Victoria porta une robe de soie mauve lors de la Royal Exhibition de 1862, et un timbre fut Ă©ditĂ© (le lilac penny), dans les mĂȘmes tons. Ce fut la consĂ©cration pour le chimiste.
â L’impĂ©ratrice EugĂ©nie mit cette couleur Ă la mode, car le mauve s’accordait bien Ă la couleur de ses yeux. Elle devint en France la couleur favorite de cette Ă©poque NapolĂ©on III.
BASF : Alizarine et Indigo
âȘïž Fin 1800, les chimistes allemands (sociĂ©tĂ© BASF) rĂ©ussirent ainsi Ă synthĂ©tiser l’alizarine (de la garance) et inondĂšrent le marchĂ© avec ce produit de synthĂšse.
Le gouvernement français soutint les producteurs de garance, mais il dut se rendre compte assez vite de la grande supériorité du produit de synthÚse, beaucoup moins cher.
En 1878 ils produisaient 500 tonnes de garance, alors que le produit de synthĂšse correspondait Ă 30.000 tonnes !
âȘïž Ce sont toujours les chimistes allemands qui rĂ©ussirent Ă synthĂ©tiser l’indigo, ce qui ruina toute la filiĂšre de l’indigo naturel.
La société BASF réitera avec les Anglais ce qui était arrivé aux français avec la garance.
L’indigo de synthĂšse envahit le marchĂ©, malgrĂ© les efforts du gouvernement anglais pour privilĂ©gier l’utilisation de l’indigo naturel.
â En 1897 l’Angleterre commercialisait 10.000 tonnes d’indigo naturel et l’Allemagne 600 tonnes d’indigo de synthĂšse. En 1911 les chiffres devinrent 870 et 22.000.
Le colorant de synthĂšse avait vaincu.
Actuellement, la toujours présente société BASF détient 40% de la production mondiale.
Les pigments de synthĂšse
âȘïž Au XIXá” siĂšcle, l’essor de l’industrie chimique permet dâobtenir des pigments minĂ©raux de synthĂšse :
â jaune de chrome, vert VĂ©ronĂšse, bleu de cobalt, orange de cadmium, alizarine cramoisie, vert de cobalt, vert Ă©meraude, bleu outremer, jaune et rouge de cadmium, jaune de baryum, vermillon d’antimoine, jaune de zinc, violet, bleu cĂ©rulĂ©um, oxyde de titane, etc.
La plupart des pigments obtenus à cette époque sont encore utilisés de nos jours en peinture par les artistes.
âȘïž Au XXe siĂšcle, de nouveaux pigments organiques de synthĂšse voient le jour :
les phtalocyanines, les azoĂŻques, les anthraquinones, les quinacridones, les indanthrĂšnes, etc.
La palette du peintre ainsi enrichie est presque illimitĂ©e : il existe aujourd’hui prĂšs de 5000 couleurs disponibles.
Ă visionner absolument !
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đš Ă bientĂŽt pour la suite !
Joanaa
C’est drĂŽle, il y a deux heures je parlais de la confĂ©rence de Michel Pastoureau. Et l’annĂ©e derniĂšre j’ai moi-mĂȘme Ă©tudiĂ© les pierres, et donc leur utilisation pour les pigments đ
Cette confĂ©rence est une mine d’infos et Mr Pastoureau une rĂ©fĂ©rence. A voir absolument !