Les secrets de Jan Van Eyck

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De prime abord, le tableau intitulé les Époux Arnolfini n’a rien de particulier.
Il représente une petite scène domestique dans laquelle ne manquent ni le chien à queue bouffante ni les chaussures sales.

Ce n’est qu’en l’étudiant de plus près que les détails prennent vie : les reflets qui scintillent sur un chandelier, les ombres qui tombent sur un fleuron de bois sculpté, un cerisier que l’on entrevoit à l’extérieur…

Et, quand le regard se porte sur le mur du fond, on distingue une inscription en latin, qui signifie ‘Jan Van Eyck est passé par là. 1434.´
Il s’agit là d’une signature – l’une des premières de l’histoire de l’Art !

En effet, le fait qu’un peintre attire autant l’attention sur lui-même était jusqu’alors inédit. À cette période de l’histoire, les artisans peignaient anonymement à la gloire de Dieu et ne se souciaient pas de choses telles que les volumes, la perspective ou encore la profondeur…

Et, tout à coup, est apparu ce tableau profane, représentant un homme et une femme avec leur chien !
On y voit des ombres, la représentation est tridimensionnelle, presque photographique et l’œuvre est signée.
Pour l’époque, cette peinture n’était pas seulement innovante, elle était révolutionnaire !

Retour sur la vie et l’œuvre de ce peintre mystérieux : Jan Van Eyck.

Voici l’un des détails les plus célèbres de l’histoire de l’art : Van Eyck s’amuse à se peindre lui-même au travail dans le miroir, les époux étant vus de dos.
On peut voir également, la signature du peintre en haut.
Les Époux Arnolfini, détail (1434).

Biographie de Jan Van Eyck

On ne sait pas grand-chose de Jan Van Eyck, si ce n’est qu’il est né en Flandres, (en Belgique actuelle).

La première trace que l’on trouve de lui remonte à 1422, à l’époque où il était peintre de cour pour le compte de Hollande à La Haye.


En 1425, il a l’honneur de devenir peintre et valet de chambre de Philippe Le bon, duc de Bourgogne.

Ce dernier ayant beaucoup d’estime pour Van Eyck, il lui confie des missions diplomatiques, le nomme, parrain de ses enfants et, plus tard, versera une bonne pension à sa veuve.
On a d’ailleurs retrouvé une lettre dans laquelle le duc fustige son personnel pour n’avoir pas payé l’artiste dans les délais convenus.

L’homme au turban rouge, autoportrait présumé (1433)
Huile sur bois, 25,5 × 19 cm, National Gallery, Londres

Le retable de L’Adoration de l’Agneau Mystique.


L’une des premières œuvres connues de Van Eyck est également l’une de ses plus célèbres : L’agneau mystique.

C’est ce qu’on appelle un retable (une œuvre destinée à être placée dans une église).
L’agneau Mystique est donc un énorme tableau d’autel, à plusieurs volets qui s’ouvrent et se ferment (un polyptyque), créé pour la cathédrale Saint Bavon de Gand en Belgique.

Retable ouvert de l'Adoration de l'Agneau Mystique, 1432. Jan Van Eyck
Retable ouvert de l’Adoration de l’Agneau Mystique, 1432. Jan Van Eyck
Huile sur bois, 350 × 461 cm, Cathédrale Saint-Bavon, Gand.

Ce polyptyque comprend 24 panneaux. Il a été commencé par Hubert Van Eyck et terminé par son frère Jan après la mort d’Hubert.
▪️ La partie supérieure représente le Christ-Roi assis entre la Vierge Marie et saint Jean-Baptiste.
▪️ À droite et à gauche de ces trois personnages, des anges chantent et jouent de la musique.
▪️ Les deux panneaux extérieurs représentent Adam et Ève.
▪️ La partie inférieure est consacrée à l’adoration de l’Agneau de Dieu, par plusieurs groupes de personnes priant. 
(Pour un approfondissement, voir le très bon article de Wikipédia.)

Retable fermé de l'Adoration de l'Agneau Mystique, 1432. Jan Van Eyck
Retable fermé de l’Adoration de l’Agneau Mystique, 1432. Jan Van Eyck
Huile sur bois, 350 × 223 cm, Cathédrale Saint-Bavon, Gand

Les jours de semaine, les panneaux étaient fermés comme sur la photo ci-dessus.

▪️ La partie supérieure montre l’Annonciation à Marie : l’archange Gabriel (à droite avec des ailes), annonce à Marie (à gauche) qu’elle sera la mère du fils de Dieu.
▪️ Dans la partie inférieure gauche se trouve le donateur Jodocus Vijd, riche marchand de Gand.
▪️ Le volet de droite représente sa femme Lysbette Borluut.


Ce retable orné brise des siècles de tradition artistique !
En effet, son graphisme, au lieu d’être plat et symbolique (comme celui des peintures médiévales), donne une impression de tridimensionnalité encore inédite à l’époque, particulièrement grâce au travail de l’ombre et de la lumière.

Jan Van Eyck, l’inventeur de la peinture à l’huile ?

Van Eyck a également révolutionné l’utilisation de la couleur en optant pour des peintures à l’huile plutôt qu’à l’œuf.

En effet, la peinture à l’huile peut être appliquée par couches successives pour obtenir des teintes translucides. Elle sèche par ailleurs lentement, ce qui permet de faire des retouches.
(C’est pour cette raison que Michel-Ange ne l’aimait pas. Et pensait qu’elle était juste bonne pour les nuls ! ).
Il en résulte un supplément de profondeur et de brillance ainsi qu’une meilleure maîtrise.

Les Époux Arnolfini de Van Eyck

Ceci nous amène au plus célèbre tableau de Van Eyck, Les époux Arnolfini, daté de 1434.

Les Époux Arnolfini (1434). Huile sur bois, 82 × 60 cm, National Gallery, Londres.

Sur ce tableau, l’homme est vêtu d’une cape a liserés de fourrure, et, d’un énorme chapeau bouffant, de rigueur pour une tenue bourguignonne élégante.

La femme, elle, porte une coiffe blanche et un long vêtement vert laissant apparaître une robe bleue.

▪️ Ce tableau n’est pas religieux : il représente des gens ordinaires, ni des saints, ni des martyrs, ni des membres d’une famille royale.
▪️ De plus, il est d’un réalisme surprenant. La lumière se déverse par la fenêtre et baigne le visage de la femme d’une douce lueur.
Le liseré de fourrure sur la cape de l’homme semble doux et duveteux.
On distingue presque la texture de la peau de l’orange posée sur le bord de la fenêtre.

▪️ On s’interroge toujours sur l’identité des personnages.
Selon les premiers inventaires, l’homme serait appelé Hernoul le Fin et au XIXe siècle, des érudits, on fait le rapport avec la famille Arnolfini, des marchands d’étoffes italiens, installés à Bruges.
Pendant plus d’un siècle, on a cru qu’il s’agissait de Giovanni di Arrigo Arnolfini et de son épouse, Giovanna Cenami, jusqu’à ce que l’on découvre que ce couple ne s’était marié que 13 ans après la date figurant sur le tableau.

▪️Aujourd’hui, les spécialistes sont divisés. Certains pensent qu’il s’agit bien de Giovanni, mais avec sa femme précédente, tandis que d’autres pensent qu’il ne s’agit pas du même Arnolfini.
Gros suspense donc.


L’héritage de Van Eyck

Après la mort de Van Eyck, le 9 juillet 1441, sa réputation de Roi des peintres, fait le tour de l’Europe.
L’un de ses plus grands héritiers fut le Néerlandais Johannes Vermeer (1632–1675), qui s’en est beaucoup inspiré pour ses lumineux, intérieurs bourgeois.

Van Eyck a également légué aux artistes qui lui ont succédé un plus grand sens de leur propre importance.
Il a, en effet, toujours attiré l’attention sur sa signature d’artiste et sur plusieurs tableaux, on peut même lire : ‘Jan Van Eyck m’a fait ‘.
On ne sait peut-être pas grand-chose de lui, mais cette façon de mettre sa signature en avant, semble indiqué qu’il se considérait comme un artiste de valeur.

Le Grand débat

La première réaction de la plupart des gens qui découvrent les époux Arnolfini et de faire : oh, cette femme est sacrément enceinte !
Des ricanements s’ensuivent toujours, car le tableau est censé représenter un mariage ou, pire encore, des fiançailles.
S’agissait-il donc d’un mariage obligé ?
En fait, la dame est simplement vêtue à la mode de l’époque.

Dans les années 1400, les robes avaient tellement de tissu superflu sur le devant, que les femmes devait le remonter pour pouvoir marcher.
En tout cas, ce n’est pas, parce que Madame Arnolfini a l’air d’être sur le point d’accoucher que l’on peut en déduire qu’elle est enceinte !

Jan Van Eyck. La Vierge du Chancelier Rolin, détail (1435)

Les secrets de Jan Van Eyck

De nombreuses théories ont tenté d’expliquer l’arrivée soudaine du réalisme dans l’œuvre de Van Eyck.
Mais ce sont l’artiste britannique David Hockney et le physicien Charles M. Falco, qui ont proposé la plus révolutionnaire d’entre-elles.

Selon eux, Van Eyck a utilisé des outils optiques, tels que des miroirs courbes et de petites lentilles de verre pour créer ces images presque photographiques.

Un élément des Epoux Arnolfini vient fortement étayer leurs hypothèses : le miroir, convexe, situé entre les deux personnages.
S’il avait été concave, il aurait pu projeter une image contre un mur et Van Eyck n’aurait plus qu’à en tracer les contours.

Dans son livre : Savoirs secrets : les techniques perdues des maîtres anciens’, paru en 2001‘ (2006, pour l’édition française), Hockney, assure que l’on connaissait bien le système des miroirs et des lentilles à l’époque de Van Eyck.

Sachant que l’utilisation de lentilles pouvait donner lieu à de légers décalages de perspective, Hockney et Falco, les ont cherchés et affirment les avoir trouvés.

Selon eux, aucune autre théorie ne peut expliquer un développement aussi rapide du réalisme. Et, si l’on a trouvé aucune trace du fait que Van Eyck et certains de ses contemporains, jouaient avec des miroirs, c’est parce que les artistes considéraient cela comme une technique secrète.

Cependant, de nombreux historiens de l’art réfutent cette hypothèse.
Ils estiment qu’au XVe siècle, le verre n’était pas d’assez bonne qualité pour projeter des images claires, et que le simple fait d’y penser, aurait été totalement inconcevable à cette époque. De plus, aucun traité artistique de la Renaissance, n’en fait mention…
Le débat continue.

À bientôt pour la suite,
Joanaa

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