On connait tous ce célèbre tableau ‘le Cri’ d’Edvard Munch, mais on connait beaucoup moins l’artiste et sa vie mouvementée.
Qui était Edvard Munch et qu’est-ce qui a bien pu lui inspirer ce tableau saisissant ?
La réponse dans cet article.

Edvard Munch : le cri d’une vie.

▪️ Si vous pensez que Vincent Van Gogh détient le record de l’artiste, le plus malchanceux de tous les temps,… c’est que vous ne connaissez pas encore Edvard Munch !
Sa vie fait ressembler celle du hollandais à une véritable partie de plaisir !
(Au moins, Van Gogh avait eu une enfance heureuse.)

Ce qu’il y a d’incroyable avec Edvard Munch (prononcez MOUNK), c’est qu’il a véritablement réussi à trouver la force de transformer ses souffrances en art.

La plus mémorable des expressions de son angoisse est son célèbre tableau, Le Cri, un cri primal adressé à l’univers.
Finalement, le petit garçon, qui ne pensait pas vivre jusqu’à l’âge adulte, est mort à l’âge de 80 ans, riche, en sécurité et respecté de tous.

Il n’a jamais échappé à ses démons, mais en les couchant sur ses toiles, il a légué au monde une œuvre qui exprime avec beaucoup de force la douleur humaine.

Les origines

Edvard Munch était le fils de Christian Munch, un médecin militaire Norvégien.
Dans les années 1860, alors qu’il est en garnison dans un hôtel, Christian tombe sous le charme de Laura Catherine Bjölstad et l’épouse.

Le couple donne alors naissance à Sophie, en 1862, et Edvard en 1863.
L’année suivante, la famille s’installe à Christiana (Oslo aujourd’hui) où naissent trois autres enfants : Andreas, Laura et Inger.

Laura, leur mère, avait probablement déjà la tuberculose avant de se marier et Munch se souvient clairement la voir cracher régulièrement du sang dans son mouchoir.
Elle meurt en 1868, avec Edgar et Sophie à son chevet.

La perte de son épouse renforce les tendances fataliste et calviniste du père qui les transmet sans compter à ses enfants.
Munch était tellement terrifié par la mort et la damnation qu’il se réveillait la nuit en ayant peur d’être déjà dans l’au-delà.
– « Suis-je en enfer ? », se demandait-il.

Le fait qu’il souffre de fièvres et de bronchite chaque hiver n’arrange rien.
À l’âge de 13 ans, Munch se met, à son tour, à cracher du sang.
Il s’en sort miraculeusement, contrairement à sa grande sœur Sophie qui succombe à la tuberculose à l’âge de 15 ans.

La jeunesse d’Edvard Munch

Enfant, Munch a peu de moyen de s’évader des malheurs qui frappent sa famille où le deuil, va de pair avec une grande pauvreté.

L’un de ses plaisirs est de dessiner.
Il passe de longues heures à faire des croquis avec des morceaux de charbon, assis dans les bruyères.
Malheureusement pour lui, son père considère les artistes comme des poètes impies et il fait en sorte que son fils suive une formation d’ingénieur.

Au bout d’un an de formation, Munch annonce à son père, qu’il veut étudier l’Art.
Il entre alors à l’École Royale de Dessin.

Le jeune Munch s’avère immédiatement prometteur et aurait tout de suite pu apaiser son père en peignant de façon traditionnelle. Il aurait alors pu obtenir une bourse, vendre des tableaux ou financer lui-même ses études…
Mais non.

À l’inverse, Munch se rallie aux éléments les plus radicaux de son école.
Il participe aux activités d’un groupe de jeunes gens bohème qui lisent Nietzsche et vantent les vertus du suicide…
En 1885, il vit une aventure avec une femme mariée et avoue avoir sérieusement besoin de quelques verres avant le petit déjeuner, juste histoire de calmer sa gueule de bois.

Cette même année, il entame son premier chef-d’œuvre : l’enfant malade, un portrait de sa grande sœur soeur Sophie sur son lit de mort.

La légende raconte qu’alors qu’il peignait ce tableau, des larmes se mirent à couler sur son visage.
Inspiré, il prit une bouteille de diluant et aspergea sa toile, de sorte à y faire des coulures…

Munch exposa ce tableau en octobre 1886, en espérant que le public serait touché par sa profondeur émotionnelle.

Au lieu de cela, la toile de Munch est tournée en ridicule.
Blessé, il lui est difficile de trouver du réconfort autour de lui. À la maison, son père, contrarié par ses choix, prie pour son âme, tandis que sa petite sœur Laura est en train de sombrer dans les fantasmes et les hallucinations, constituant les premiers signes de la schizophrénie.

On aurait pu croire qu’il allait enfin échapper à tout cela quand il reussit enfin à obtenir une bourse pour étudier à Paris, mais même la ville des lumières ne parvient pas à être un refuge pour lui.
En novembre 1889, le décès de son père, le plonge dans un profond désespoir.

Il écrit alors dans son journal : ‘Je vis avec les morts‘.
Il envisage le suicide.

Le cri d’Edvard Munch

Heureusement, il ne passa pas à l’acte.
Au contraire, Edvard Munch peignait encore plus pour exorciser sa souffrance – le sujet qu’il connaissait le mieux – .

En 1893, il s’attèle à ce qui deviendra son œuvre la plus célèbre : le Cri.

On a trouvé dans son journal le récit d’une balade qu’il avait faite à Christiana quelques années auparavant :
‘J’avançais le long de la route avec deux amis, le soleil était en train de se coucher.
Soudain, le ciel est devenu du sang, et j’ai senti le souffle de la tristesse.
Je me suis arrêté, et me suis appuyé sur la barrière, épuisé à mort.
Il pleuvait des nuages de ce sang nauséabond. Mes amis ont continué, mais moi, je suis resté là, à trembler, avec une blessure ouverte à la poitrine.
J’ai entendu un immense et extraordinaire cri traverser la nature.‘

Cette expérience a eu lieu à Ekberg, dans la banlieue nord d’Oslo, où se situaient aussi bien les abattoirs de la ville que l’asile ou la sœur de Munch était internée.
Les cris des animaux abattus faisaient écho à ceux des fous.

Dans son ‘cri’, l’artiste a peint un personnage ressemblant à un fœtus, ou à une momie, avec la bouche ouverte et les mains crispées sur la tête.
Sur sa gauche, deux silhouettes imprécises marchent le long d’une route. Tandis que sur sa droite, l’océan, s’agite.
La scène est surplombée d’un ciel rouge sang.

Le cri est une effrayante expression de la terreur existentielle.
Ce tableau fait d’ailleurs partie d’un cycle intitulé la frise de la vie dont le but est de dépeindre une vie de l’âme universelle.

Cette série fait également office d’autobiographie. Elle comporte des représentations de la mort, de la mère et de la sœur de l’artiste, de sa propre expérience de mort imminente et de celle de ses relations amoureuses.

On peut raisonnablement affirmer que Munch ne se doutait pas que son tableau trouverait sa place dans la culture populaire en apparaissant sur des mugs, des pantoufles, dans des films d’horreur jusque dans des épisodes des Simpson !

Munch et les femmes

Munch a toujours plu aux femmes.
En fait, ses amis, le surnommait ‘le plus bel homme de Norvège‘.

Ses relations étaient systématiquement compliquées. Un fait qui se reflète dans ses tableaux de femmes, sur lesquelles ces dernières apparaissent, soit comme de frêles créatures innocentes, soit comme des vampires avides de sang.

La plus vampirique des maîtresses du peintre fut, de loin, Tulla Larsen, une femme fortunée de 29 ans, rencontrée en 1898.

Munch eut donc une relation amoureuse avec Tulla Larsen, mais lorsqu’il en eut assez de sa possessivité maladive et voulut la quitter, elle le poursuivi à travers l’Europe !

Il finit tout de même par réussir à s’en débarrasser et ils passèrent presque deux ans sans se voir.

Larsen qui ne cessait de le harceler, finit par retrouver les traces de l’artiste qui s’était reclus dans une villa au bord de la mer. Tulla Larsen s’installa en secret dans une maison des environs.

Un soir tard, Munch reçu une lettre selon laquelle Larsen avait tenté de se suicider.
Quand il arriva sur les lieux indiqués, il trouva son ancienne maîtresse, étendue dans sa chambre, mais en parfaite santé.

Il lui énonça une énième fois les arguments raisonnés pour lesquels ils ne pourraient jamais plus être ensemble et elle se contenta d’en rire (ou en pleurer), (les récits diffèrent.)
Puis, sans que l’on ne sache trop, comment, Munch se retrouva avec un pistolet à la main.
Le sien ? Celui de Tulla ? Nul ne le sait. Comme on ignore aussi pourquoi le peintre l’a pris, et qui a appuyé sur la détente.

Ce que l’on sait, en revanche, c’est qu’un coup de feu a été tiré et que la balle a atteint Munch au majeur gauche. Sa main est restée mutilée à jamais.

Border-Line

La bonne nouvelle de l’histoire, c’est qu’à ce stade de la carrière de Munch, plus personne ne se moquait de ses tableaux.
Il avait d’abord reçu des honneurs, puis les commandes étaient venues à leur tour.

La mauvaise nouvelle par contre, c’est que Munch commençait à prendre les inconnus pour des agents de la police secrète à sa poursuite.
Il se sentait peu à peu glisser dans la folie, celle qui s’était emparée de sa plus jeune sœur Laura.

Dans la même période, Munch à de plus en plus souvent des crises de paralysie pendant lesquelles ses bras et ses jambes se raidissent.
Inquiets, ses amis préfèrent le faire rentrer d’urgences dans un hôpital des alentours de Copenhague.
Les médecins lui diagnostiquent une paralysie alcoolique, résultat des effets toxiques de sa consommation excessive d’alcool sur son système nerveux.

Son traitement à base de bains de boue chaude et de légères impulsions électriques eut probablement moins d’impact que le calme forcé et le sevrage, mais toujours est-il que lorsque Munch sort au printemps suivant, il est sobre pour la première fois depuis un quart de siècle et plus équilibré que jamais auparavant.

Frais comme un gardon, il part alors pour la côte Norvégienne, et s’y installe dans une grande maison pour ne s’éloigner que rarement de chez lui.

À cette période de sa vie, Edvard Munch est assez riche pour faire vivre confortablement sa famille, même s’il ne la supporte plus.
Quand sa sœur Laura meurt en 1926, il ne se résigne pas à assister ouvertement à son enterrement et se cache derrière les arbres du cimetière…

Edvard Munch et la célébrité

Quand la première guerre mondiale éclate, entraînant une grave crise financière, Munch achète une grande propriété près d’Oslo, où il fait pousser des légumes et élève des poules.

Il possède également un cheval répondant au nom de Rousseau, auquel il est très attaché et qui vit une vie de rêve en tant que modèle pour ses tableaux.

Dans le même temps, Munch est devenu énormément populaire dans son pays natal, mais les honneurs officiels et les célébrations organisés pour ces 60ᵉ et 70ᵉ anniversaires le laisse de marbre.
On raconte que, toujours irrité, il envoie systématiquement promener les journalistes qui viennent l’interviewer.

Edvard MUNCH meurt le 23 janvier 1944, un mois après son 80ᵉ anniversaire.

Le trésor d’Edvard Munch

Même après sa mort, Munch réservait encore des surprises au monde.

Personne n’avait jamais été autorisé à accéder au deuxième étage de sa maison depuis des années. Et quand ses proches y entrèrent suite à son décès, ils furent stupéfaits !

Du sol au plafond, étaient entassés :
– 1008 tableaux
– 4443 dessins
– 15 391 estampes,
– 378 lithographies
– 188 eaux-fortes
– 148 blocs de bois gravés
– 143 pierres lithographiques,
– 155 planches de cuivre, d’innombrables photographies et tous ses journaux.

Un héritage incroyable de la part de quelqu’un qui, dans son enfance, pensait qu’il n’atteindrait jamais l’âge adulte !

Le cri un des tableaux les plus volés au monde !

Le cri a pour triste particularité d’avoir été l’un des tableaux les plus volés au monde !
Deux versions différentes de l’œuvre ont été dérobées dans des musées.

→ Le premier cas a eu lieu le 12 février 1994 à la Galerie Nationale, à Oslo, le jour de l’ouverture des Jeux Olympiques d’hiver de Lillehammer.

En 50 secondes, 2 hommes ont grimpé le long d’une échelle, ont cassé un carreau et découpé la toile.
Un mois plus tard, les malfaiteurs ont proposé de la restituer contre une rançon d’un million de dollars, mais la galerie à refuser de payer.
En mai, une opération secrète à permis de la récupérer et de la rendre au musée, où elle se trouve encore à ce jour.

→ Le second vol s’est déroulé en aout 2004 au musée Munch.
Deux hommes masqués sont entrés dans la galerie. L’un d’entre eux a tenu en joue le personnel, les vigiles et les visiteurs ébahis tandis que l’autre décrochait le Cri et La Madone (un autre tableau de Munch). Les deux voleurs ont ensuite pris la fuite dans une voiture volée qui les attendait.

Bien que 3 hommes aient été arrêtés pour leur participation à ce vol, les toiles, elles, n’ont été retrouvées que plusieurs mois plus tard.

Elles ont finalement été réinstallées au musée Munch, après une fermeture de 10 mois pour une remise à jour du système de sécurité qui a couté la modique somme de 6 millions de dollars !